La Grande Guerre par le curé de Montchevrier
Le 2 août 1914 restera une date bien lugubre dans l'histoire, à Montchevrier surtout.
Le son du tocsin annonçait pour longtemps la fin de la paix et du bonheur dans trop de foyers.
Les jours suivants, la mobilisation arrachait à leurs parents des enfants, des époux, des pères, des frères.
Puis ce fut une absence de nouvelles bien angoissante. On ne savait rien. Des trains de blessés passaient sur la grande ligne d'Argenton.
Beaucoup de nos soldats faisaient partie du 8e corps d'armée et de la division de Bourges : 95e, 85e, 13e de ligne qui avait foncé jusqu'à Sarrebourg pour reculer, hélas, puis sous Castelnau avait victorieusement défendu Nancy et battu l'ennemi à la trouée de Charmes.
Mais au prix de quelles pertes ! Le 8e corps eut à Mattexey 11.000 tués. Le sang français coulait comme l'eau en un jour de grand orage, disent les habitants encore épouvantés.
Nos autres soldats faisaient partie du 9e corps, surtout des 90e et 290e qui s'illustrèrent à la bataille de la Marne, 5-8 septembre. Le 90e était le régiment d'élite qui entourait le général Foch.
Au 25 septembre, sur l'Aisne, puis en Belgique, ces deux régiments durent se sacrifier en des attaques continuelles pour cacher notre insuffisance d'artillerie.
Puis ce fut la vie des tranchées, épouvantable et meurtrière, surtout en hiver et cela durant quatre ans. Le début de la guerre fut marqué par un grand sérieux et une vraie religion, mais aussi par la rumeur infâme ; " Ce sont les curés qui ont amené la guerre ".
Or, tous les curés en age d'être mobilisés étaient à l'armée combattants, brancardiers, infirmiers, aumôniers. Cinq mille prêtres sont morts au champ d'honneur.
Au 290e , l'héroïque curé de Vatan, l'abbé Bouchard, le capitaine abbé Milon et tant d'autres héros montrèrent à nos soldats de Montchevrier et à tous les autres que les curés étaient les surtout les victimes de la guerre et non pas les auteurs.
A l'arrière, dans les ambulances, dans les œuvres de secours aux blessés et prisonniers, prêtres, religieux, catholiques se dévouèrent.
De Suisse ; des prêtres parvenaient, avec l'appui du Pape à visiter nos soldats prisonniers de guerre en Allemagne, à les ravitailler, soigner, arracher au désespoir et à la mort, à en ramener bon nombre en Suisse.
Nos soldats prisonniers de Montchevrier leur doivent un merci bien mérité.
Et la liste de nos soldats morts s'allongeait cruellement.
Quelle désolation générale quand un télégramme annonçait un blessé, un disparu.
Quelles scènes déchirantes, à l'annonce d'un soldat mort, dans la famille et à l'église.
Car nos chères victimes de la guerre ont tous eu leur service funèbre très solennel, plus triste qu'un enterrement.
Le corps du cher martyr était si loin. Sa tombe sera-t-elle bien connue ; Combien peu pourront être ramenés au cimetière de Montchevrier.
La suite de la guerre fut aggravée par les gaz asphyxiants, qui laisseront dans leurs victimes des souffrances incurables.
Il faut admirer le travail acharné des non mobilisés, des femmes, filles, vieillards.
Si la France de l'arrière avait fourni partout le même labeur qu'à Montchevrier, on aurait produit peut-être assez de nourriture ou bien davantage et moins souffert des taxes, privations, mauvais aliments, qui ont amené ou aggravé la vie chère et font de l'après guerre une période si grosses de troubles et de dangers.
Il y eut des allocations d'abord restreintes, puis générales, mais aussi l'envoi de fréquents et coûteux colis aux prisonniers et mobilisés.
Enfin Dieu eut pitié de nous, exauça les cris de nos martyrs, les prières des vrais fidèles, bénit les efforts de nos grands chefs : Foch, Pétain, Castelnau, Fayolle, Maistre, Gouraud, Mangin et tant d'autres encore ; dont la religion était bien connue et avait nui à leur avancement avant la guerre.
Et ce fut l'armistice du 11 novembre 1918, la victoire, la paix, le retour de nos prisonniers de guerre, de nos mobilisés, avec hélas ! de nouvelles larmes pour les familles des soldats morts ou disparus sans espoir.
Je serais bien heureux d'inscrire dans un vrai livre d'or et de gloire les noms, les exploits de nos soldats morts, blessés, prisonniers, mobilisés.
Quel plus beau titre de noblesse pour vous, chers poilus, pour vos descendants, qui lisant ce livre, s'écrieraient ; " Mon père était à telle bataille, je suis le fils d'un martyr, d'un héros ! "
En attendant, saluons la liste, aussi complète que possible, de nos chers soldats morts.
Ceux dont les corps ont pu être ramenés à Montchevrier sont marqués d'une croix.
Légalement, Montchevrier a eu soixante soldats sacrifiés pour sauver la patrie, mais j'y ai ajouté les noms de leurs frères ou amis originaires de la commune ou venus y résider ou y reposer au cimetière.
On le voit trop. Ce sont les cultivateurs des campagnes qui ont été les vrais vainqueurs de la guerre, mais aussi les victimes, les ouvriers de métier et surtout ceux des villes ont beaucoup moins souffert.
Les villages les plus éprouvés sont : La Chaume, 7 tués, 1 revenu ; Les Bottes, 4 mobilisés, 4 morts ; La Glézole, 10 victimes.
Il faudrait ajouter les noms de tous nos mobilisés, qui ont tant souffert et rapporté des douleurs et infirmités qui vont assombrir et abréger leurs jours.
Il faut que l'anniversaire du douloureux et glorieux décès de nos soldats soit pieusement célébré dans leurs familles et à l'église.
Leurs âmes, qui se sont sacrifiés pour nous, vivent, tressaillent d'affection plus vive encore pour leurs parents et amis.
Que cette vérité est consolante, excitante à se montrer dignes de ces héros.
Un superbe drapeau fut béni à l'église en l'honneur de nos soldats tombés au champ d'honneur : ce fut la seule manifestation unanime.
Les parents des soldats morts demandèrent respectueusement à l'autorité communal de se mettre à la tête d'une souscription qui érigerait.... une plaque commémorative à l'église. Sur un refus .... net, ces familles payèrent seules, en partie, cette plaque de marbre noir.
Plusieurs poilus ...... de n'avoir pu contribuer à l'achat de cette plaque ..... homme de cœur, M. Laruelle frère de Jean, alla ..... leur offrande, laquelle acquitta pour un tiers, un groupe de statues qui encadrent la plaque et produisent un effet saisissant aussi pieux qu'artiste.
Au-dessus, un Christ, mort comme nos soldats, pour nous sauver, domine et bénit la plaque, la seule tombe du plus grand nombre de nos martyrs.
A coté, la Sainte Vierge en pleurs, qui a contemplé la mort de son Fils au Calvaire et aussi l'agonie de nos soldats, et remplacé leurs mères, leurs femmes restées si loin d'eux à Montchevrier, et que les chers agonisants appelaient en un cri suprême et déchirant.
De l'autre coté, Sainte Jeanne d'Arc, patronne de la France, qui nous donna la victoire.
Les paroissiens aiment à saluer ce groupe pieux et patriotique et à y faire une prière pour nos soldats.
Avec une souscription et une imposition communales, la municipalité s'est honoré à ériger à l'angle des routes de Cluis et Aigurande-Lourdoueix, une belle pierre du pays ou sont gravés les noms de nos soldats martyrs.
L'inauguration occasionna une cérémonie à l'église, avec bénédiction et discours au monument, puis un banquet, surtout aux frais communaux, aux autorités départementales, cantonales et municipales.
Le plus beau monument est dans le cœur des vrais chrétiens et Français, dans leur souvenir ému de tant de souffrances, dans leur dignité de vie, leur dégoût de ces plaisirs scandaleux, de ces modes honteuses d'après guerre.
Est-ce que pour vous voir faire cela que nous avons tant souffert, clament, du ciel, nos martyrs à trop d'oublieux et d'ingrats.
Hélas ! les vrais croyants entendent seuls ce reproche si mérité.
Ch. Blain, curé de Montchevrier
Extrait de l' Almanach paroissial de Montchevrier "La grande guerre " 1922
20/06/2011
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