MONTCHEVRIER: un charmant petit village en Marche-Berrichonne

MONTCHEVRIER: un charmant petit village en Marche-Berrichonne

Lettre Lasnier: 11 octobre 1792, Lens près Sion en Valais

lettre à des amis

 

 

Monsieur, Madame et bon amis, 

 

Il y a aujourd’hui trois semaines qu’en sortant de France, j’eus l’honneur de vous écrire et vous mander le voyage assez heureux que nous avions tous fait : nous ne restâmes en Savoie que trois jours. Nous cherchâmes un asile plus assuré dans la Suisse et enfin, après un éloignement de près quarante lieues au-delà de Genève, la Providence nous a conduits à Sion, canton allié des Suisses. L’évêque, qui est prince et souverain, nous a accueilli avec bonté tant par les dispositions de son cœur que par les recommandations que M. de la Brugière, qui nous attendait à Lauzanne, avait auprès de lui. Ce saint homme s’est occupé de nous placer selon nos besoins et j’attendais cette époque pour vous écrire le sort que j’aurais.

 

MM.Deleignes frères avaient été placés depuis huit jours chez un religieux vénérable et riche curé, à trois lieues de Sion. Le prieur de Saint-Plantaire y est en qualité de vicaire et, par conséquent, l’un et l’autre sans payer aucune pension. M. Jolly et moi étions avec MM. Duperthuis et Lassare, dans une petite campagne, chez un capitaine qui nous logeait, mais ou nous tenions un pauvre ménage, faisans nous-mêmes notre petit tripot ; mais à la première demande de nos confrères, ce bon curé a bien voulu nous prendre, M. Jolly et moi, moyennant une pension de vingt-deux francs par mois, de laquelle encore il nous laisse maître et nous promettant, nous offrant tout ce qui peut contribuer à nous mettre chez lui dans la plus grande aisance. Il s’est chargé en outre de mon cheval que je n’ai pas encore vendu. La jument de M. le prieur est placée à un assez bon compte dans notre premier asile ; peut-être ces chevaux pourraient nous servir à notre retour qui paraît plus près que nous ne comptions.

 

Voilà, mes véritables amis, l’état ou nous sommes et dont je crois devoir vous informer tant je suis persuadé de votre attachement et de votre amitié. Il ne nous manque ici que la satisfaction de recevoir de vos nouvelles pour y être très heureux. Nous n’avons que deux pas à faire pour entrer dans une très belle église ou nous nous acquittons de nos devoirs spirituels et nous avons la consolation d’y offrir nos prières, nos messes pour nos peuples qui sont toujours présents à nos cœurs. Puissiez-vous jouir d’autant de paix, de tranquillité que je vous en souhaite mille fois le jour. Je pense surtout à l’état d’inquiétude ou était Mme de Pémoret lors de mon départ. Mais j’espère qu’il aura bien changé en mieux par toutes les circonstances qui, depuis, nous offrent un avenir plus heureux et plus prochain.

 

Nous ne recevons ici que très peu de nouvelles. La sagesse du gouvernement y met l’ordre le plus strict, mais nous en saurons assez pour notre consolation.

 

J’espère que vous aurez reçu ma première lettre, il n’y avait pour lors aucune difficulté pour le passage ; je vous mandais qu’une fausse crainte nous avait décidés à remettre notre numéraire à M. Cautri. Il reçut de moi quatorze louis. Cet argent nous aurait fait faute si nous n’étions pas assez heureux que d’espérer du crédit ; car, pour ma part, je n’ai que trois louis, ma pension payée pour trois mois. J’attends quelque temps pour mander à mon neveu d’Aigurande d’écrire à Lyon pour m’en faciliter la réception, dans ce moment il y aurait peut-être du danger. Si M. Cautri n’a pas remis cet argent à ma famille, je serais charmé que vous reprissiez le beau et ancien louis double que vous me changeâtes en vous privant de cette pièce que votre intention était de conserver et même je mande à mon neveu de Nouzerolles de vous le faire retourner.

 

MM. de la Brugière demeurent, au nombre de six, dans une maison de la ville de Sion à leurs crochets. Les dépenses n’y sont pas considérables. Le comestible est à meilleur marché ici que chez vous. Le secrétaire a eu quatre accès de fièvre, il a été purgé deux fois; je le crois mieux. Il m’a chargé, pendant sa fièvre, de vous mander ses compliments empressés, ainsi que son frère et tous nos compagnons. Nous avons eu encore aucune nouvelle de notre patrie ni les uns ni les autres, nous les attendons avec impatience, j’attends surtout de vos chères nouvelles et croyez que c’est la plus grande satisfaction que je puisse espérer. J’ai l’honneur d’être, mes chers amis, votre très humble et obéissant serviteur.

 

Lasnier.

 

 Nos partageons tous les sentiments de M. votre curé, mon cher parent et ami, et nous vous prions de faire passer la lettre à nos parents pour les tranquilliser sur notre compte.

 

 D. Pr, curé de Saint-Plantaire

 

On fait ici et dans toute l’église catholique des prières pour le retour de la religion en France. Les bulles du Saint-père parviennent partout, excepté dans notre malheureuse patrie. Prions.

 

 

 Sources: extrait du livre de l'Abbé Leclerc "Martyrs et confesseurs de la foi du diocèse de Limoges pendant la révolution française"  Editeur V. H.  Ducourtieux,  Limoges

 

 



21/06/2011

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