MONTCHEVRIER: un charmant petit village en Marche-Berrichonne

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La culture par l'ajonc (1829)

EMPLOI DE L’AJONC

POUR LITIÈRE ET FOURRAGE.

 

Le sol de mes exploitations agricoles est, en partie, argilo-granitique, et en partie mélangé de silex. Il ne contient pas assez d’humus pour la production des plantes légumineuses et crucifères, par conséquent pour le succès d'un système d’assolement dans lequel entreraient les prairies artificielles.

Aussi, découragé après de nombreux essais, ai-je été convaincu que le seul mode de culture applicable au sol que je viens de décrire comporte l’emploi de fumures très abondantes, par conséquent la création la plus économique de la plus grande masse possible de fumiers.

C’est à l’ajonc marin que j’ai recouru.

Je le sème sur les terres les plus pauvres, comme sur les terrains les plus humides.

Je le coupe, tous les ans, vers le commencement de juin, afin que l'opération soit terminée pour l’époque des fauchailles; et, si je le laisse sur pied pendant deux ans, cette exception n’a lieu que pour les terrains les plus arides.

Pour prévenir le desséchement de l’ajonc, dessèchement qui retarderait sa décomposition, je le fais transporter de suite auprès des bâtiments d’exploitation, et j’y en forme des monceaux de 30 à 40 charretées. Je l'y laisse fermenter pendant cinq à six mois, c'est à dire pendant le temps nécessaire pour la destruction de ses piquants, et jusqu'à ce qu’il soit susceptible de pulvérisation.

Alors j'en fais usage pour la litière des bestiaux ; je le fais répandre aussi dans les basses-cours et sur les chemins, et j'en forme un précieux terreau, qu’il faut mélanger avec toutes les autres espèces de fumier, afin d'en ralentir la fermentation et d'éviter la perte du carbone. Au moyen de cet auxiliaire, je double au moins le volume de mes fumiers, et c'est seulement alors que je puis créer ces mêmes prairies artificielles, qui jusque là m'étaient interdites, et qui jouent un si grand rôle dans l’assolement alterne.

L’ajonc possède, d'ailleurs, l’avantage d'offrir une excellente nourriture à toute espèce de bestiaux, et dans toutes les saisons de l'année.

Au printemps, les bestiaux en dévorent les jeunes tiges dans les champs (1); en hiver, avant de le leur offrir dans les étables, on le hache et on le broie , au fur et à mesure des besoins, soit au moyen d'un pilon ferré, soit sous la meule d'un pressoir, ce qui est plus économique, soit au moyen d'un bocard, ce qui vaudrait mieux encore. Le produit moyen du broyage journalier par le pilon est de 200 kilogrammes.

Cette nourriture, que je fais distribuer, chaque jour, à raison de 34 kilogrammes pour chaque bête bovine, et de 20 kilogrammes pour chaque cheval, maintient les bestiaux dans un état d'embonpoint supérieur à celui qu'on doit à l’emploi du foin et de la paille.

J'ai dit qu'au printemps, les bestiaux se nourrissent de l’ajonc, dans les champs mêmes : il convient de ne livrer les ajonchères qu'on destine au parcours que vers le 15 mai ; plus tôt, les bestiaux, qui en sont très avides, couperaient trop près de leur collet les pousses de l’année, même celles de deux ans : aussi, les ajonchères qu'on destine à être fauchées doivent-elles, par cette raison, être soigneusement défendues contre leur invasion.

 

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(1) Un de mes voisins sema, il y a dix-huit ans, une boisselée de terre en ajonc. Une partie de la semence tomba dans une haie vive, et cependant ses pousses s’élevèrent à 2 mètres de hauteur. Atteinte par la gelée de 1819, cette même partie de semis se reproduisit de ses graines. Par contre, la partie de semis faite dans le champ ne s’éleva pas à plus de demi-mètre de hauteur, parce que les moutons en broutèrent continuellement les pousses; aussi, est-il à remarquer que, négligeant les riches tapis de trèfle rampant dont ils pourraient se repaître, c'est à l'ajonc, qu’ils préfèrent que les moutons doivent leur engraissement et le prix de 35 à 38 Fr. la paire, auquel ils se vendent.

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Consulté sur les moyens de s'enrichir à la campagne, Caton répondit qu'il fallait trois choses : des bestiaux, des bestiaux et encore des bestiaux. J'en dis autant de l’ajonc; et, en effet, la même boisselée (4 ares) de mauvaise brande ou de tout autre mauvais sol qui, cultivée comme d’ordinaire, ne produit que 0 Fr. 22 c. de revenu rapporte la somme nette de 3 Fr., quand elle est semée en ajonc.

 

Culture.

 

J'emploie pour le semis de l'hectare 16 kilogrammes de graine d'ajonc, et d'après l’une ou l'autre de ces deux modes de culture :

1ere  année, je fais écobuer, par domaine, 50 boisselées de brandes, qui sont ensemencées en seigle, si la terre est humide, ou en blé, si elle est argileuse

Ou bien

2e année, pommes de terre fumées à raison d'une voiture à 4 bœufs par boisselée;

3e année, avoine avec graine d'ajonc;

Ou bien, dès la 1ere année, si le sol est épuisé, je fais semer avoine et ajonc, et continuer de semer la quantité’ jugée convenable.

--La 8e année, je commence a faire écobuer le premier semis d'ajonc, et l'on continue, comme il a été dit.

Sur les sols humides et argilo-siliceux, l'ajonchère peut être maintenue indéfiniment; sur ceux de nature granitique et aride, elle ne dure que sept ans; et, envahie par les mousses et les bruyères, elle doit être défrichée.

Je fais, au reste, remarquer que si, à cause de leur infertilité et de leur inaptitude à toute autre culture, j'ai indiqué les brandes dépourvues d'humus comme devant être ensemencées en ajonc, je n'ai pas entendu exclure de cette même culture les terres franches et de meilleure qualité , où ce même semis ferait merveille.

 

Emploi pour nourriture.

 

J'ai dit que 50 boisselées sont plantées en pommes de terre. -Le produit de cette culture, déduction faite de 300 boisseaux pour la semence, est de 2,700 boisseaux.

Prélèvement fait de 200 boisseaux pour la consommation du métayer, et de 400 autres pour la nourriture des porcs, il reste disponibles 2,700 boisseaux.

Cuits, ces 2,100 boisseaux sont distribués à 30 têtes de bétail, pendant les six mois de leur séjour en étables, à raison, par jour, de 4 kilogrammes par tête de gros bétail, et de 3 kilogrammes par tête de petit (le boisseau pèse 15 kilogrammes).

Outre la précaution de tenir les étables munies de bacs en bois ou en pierre toujours pleins d’eau , ou a celle d’alterner la nourriture des bestiaux , en la composant tantôt d’ajonc broyé , tantôt de sommités de paille coupées menu et jetées avec le foin et les pommes de terre écrasées.

De cette manière, il y a toujours grande consommation et jamais perte de nourriture, et le bétail jouit d’une santé et d’un embonpoint remarquables.

Nota. D’après la méthode ordinaire, les bestiaux ne mangent guère que la moitié de la nourriture qu’on leur donne; le reste suffit pour les entretenir de litière: ainsi, il faut remplacer cette différence, et l’immense quantité de paille qu’ils consomment en plus. Leurs déjections sont plus liquides et plus copieuses; absorbant une plus grande quantité de liquide, leurs urines sont plus abondantes; rien ne se perd au dehors : toutes ces circonstances nécessiteraient, si l'on n’avait pas d’ajonc, des achats considérables de paille ; elle vaut, dans la commune que j’habite, 3Fr 50c la douzaine de hottes du poids de 12 kilogrammes 1/2; il en faut 20 bottes pour faire un charroi de fumier. Y compris la valeur des excréments et des autres frais, ce charroi revient à 9Fr 80c, tandis qu’il ne vaut, en agriculture, que 6 Fr 80c.

Celui d’ajonc ne revient, au contraire, qu’à 6 Fr 50 c, déduction» faite de la même valeur d'excréments et des autres frais, ainsi que de la rente de la terre qui produit cet ajonc, et dont le revenu net est, comme je l’ai dit, de 3 Fr par boisselée.

En outre, la paille étant très sèche, il est impossible de faire, avec elle, autant de fumier qu'avec l’ajonc à demi-pulvérisé, lequel, par l'effet du piétinement des bestiaux, s’introduit plus facilement dans les matières excrémentielles, et s’identifie beaucoup mieux avec elles.

On a le même avantage à répandre ce même ajonc dans les basses-cours et sur les chemins; et, toutes les trois semaines, on en retire une couche de terreau suffisamment pulvérisé.

 

 

DELAGE-BONNUT, Maire de Montchevrier (Indre)

 

 

 

Sources :

Le Cultivateur (Paris. 1829): journal de l'industrie agricole par Bonafous- Page 156



01/07/2013

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