La mémoire de la couture
Charlotte Hyvernaud est couturière à Montchevrier depuis 1922. A 91 ans, elle ne veut pas entendre parler de retraite.
A 91 ans, Charlotte Hyvernaud est solide comme un roc. Si une fracture du col du fémur l'a conduite à l'hôpital voici quelques semaines, elle a retrouvé son atelier le plus tôt possible, des projets plein la tête. il faut dire que cette pétillante aïeule n'a pas l'âge de ses artères et quand elle affirme en préambule :
« mes yeux sont intacts et son cerveau reste lucide », la suite lui donne raison.
Née à Montchevrier en 1907, d'un père menuisier et d'une mère ménagère, elle découvre la couture à l'âge de 15 ans. Cet apprentissage sur le tas s'effectue au château du Breuil, sur le commune d'Orsennes, que l’adolescente rejoint chaque jour après avoir effectué quatre kilomètres à pied.
Les rigueurs de l'hiver, les chaleurs estivales n'entament pas sa foi, et au fil du temps les ensembles et les chemisiers n'ont plus de secrets pour elle. Lorsqu'elle quitte sa patronne elle a 18 ans et souhaite aussitôt se mettre à son compte. Le petit atelier installé dans la maison familiale, puis au-dessus de la menuiserie, est vite renommé. Les tailleurs, tabliers, blouses, jupes, robes de mariées, viennent habiller les élégantes du canton d'Aigurande, d'Argenton, de Châteauroux au fil d'une existence rectiligne, mais jalonnée des choses de la vie.
Une dizaine d'apprenties
La mort de son époux Marcel, en 1956, et celle de son père, Henri, en 1973 à l'âge de 93 ans, appartiennent aux heures sombres. La satisfaction de ses clientes et ses relations de voisinage lui mettent du baume au cœur. Après avoir formé une dizaine d'apprenties, confectionné des centaines de vêtements, Charlotte Hyvernaudaurait pu aspirer à un repos bien mérité, mais la retraite à laquelle elle aurait droit depuis... plus de trente ans est pour elle un sujet tabou.
« II faut que je tire l'aiguille, c'est plus fort que moi », explique la nonagénaire en montrant une veste en daim réalisée pour une habitante de la région. Du travail d'artiste mené de A à Z, car Charlotte prend les mesures, fait les patrons, pique à l'aide de sa machine à pédale, enfile ses aiguilles en un clin d'œil, coud, assure les essayages...
Toujours sur la brèche, la vieille dame de Montchevrier, qui a fêté hier ses 91 ans, n'envisage pas une autre destinée. Ses nombreux souvenirs sont d'ailleurs exclusivement consacrés à la couture, et c'est l'humeur badine qu'elle se rappelle du chien qui l'attendait chaque jour sur la route du château du Breuil ou de la robe de mariée qui a failli tomber du porte-bagages de son vélo en 1946.
Intarissable, Charlotte vous ferait remonter le temps pendant des heures avant d'évoquer ses prochains travaux. car, sur la table de son petit atelier, les patrons s'entassent. Et elle est bien décidée à récupérer le mois perdu à l’hôpital !
Article de presse locale (NR du 26/02/1998)
Charlotte Hyvernaud née Bret
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