La fuite du curé Lasnier
Le 11 septembre, M Joly, prieur d'Orsennes, part avec MM De Lesgues, deux frères, l'un curé de Saint-plantaire, l'autre vicaire de Ceaulmont; MM Dupertuis curé de Chavin; Bazenerie de Dun, et Bonnet curé des Chézeaux.
A Aigurande, ils prennent en passant MM Lasnier de Confolens, curé de Montchevrier et Bazenerie-Pramord, curé de Saint-Léger. Toute la petite troupe est à cheval: elle a arboré la cocarde tricolore et s"est fait faire des cadenettes enrubannées. Un brave capitaine des employés de la gabelle, M Cantrez, s'est offert à la guider jusqu'a la frontière.
Le danger commence à Chatellux; le peuple se rassemble devant l'auberge ou ils sont descendus et veut leur faire un mauvais parti. On les consigne, et ce n'est que le 13 qu'ils atteignent Montluçon. Inquiet de ce retard imprévu, l'abbé Valentin, neveu du curé de Montchevrier, a pris les devant avec ses deux compagnons.
A Souvigny, l'attitude de la population est tout autre; les habitants se pressent sur le seuil de leurs maisons pour leur donner une dernière marque de sympathie.
A Varennes, à La Palisse, les injures redoublent. Sous prétexte qu'ils emportent des valeurs précieuses, on les fouille, on les de chausse, on pique des épingles dans les boutons de leurs habits pour s'assurer qu'ils n' y cachent pas des louis.
A Roanne, ils n'échappent à la mort que grâce à la complicité des aubergistes qui les font partir secrètement.
Les plus grands dangers les attendent à Lyon ou ils arrivent le 18. Là, ils se séparent en deux bandes, et ne se rejoignent qu'a Montluelle pour gagner Nantua et le fort de Bellegarde, le 20 septembre.
MM Joly et Lasnier, qui ont conservé leurs montures, se dirigent vers Chambéry ou ils retrouvent dix-huit prêtres du diocèse. Les évènements les en chassent presque aussitôt.
Ils entrent en Suisse et vont s"embarquer sur le lac de Genève pour Lausanne. Leurs compagnons, partis par une route différente, les y attendaient depuis plusieurs jours.
"La ville était pleine de prélats français et la première personne que nous rencontrâmes, écrit le 27 M. Joly, fut M. Merle de la Brugière, le jeune, ancien secrétaire de l'archevêque. Il nous cherchait et nous fit part de son dessein d'aller se réfugier à Sion, à trente lieues de là".
Il n'y avait pas à hésiter devant l'incertitude d'un asile. Le 26, ils arrivent à Sion, les uns à cheval, les autres en berline, précédés de MM. De la Brugière, Yvernault, Lassave et Lemoine. L'évêque prince souverain de la vallée, les recut avec bonté et les dissémina par petits groupes dans la ville et les environs (1)
(1) MM. Joly, Lasnier, Dupertuis et Lassave furent logés à la campagne chez un capitaine, ou ils vécurent à leur ménage. MM. De Lesgues allerent comme vicairres chez le prieur de Lens, gros bourg situé à quatre lieues de la ville, au sommet d'une haute montagne. MM. Joly et Lasnier ne tardèrent pas à les rejoindre. Ils resterent auprès de l'excellent prieur jusqu'a leur retour en France, en 1798.
M. Valentin, placé à Boiterens, à vingt lieues de Sion, se réunit à eux en 1793. Le 14 octobre, il partit pour l'Italie avec MM. De Lesgues et Bazanerie. Après avoir traversé le Simplon, Parme, Modene, ou le duc refusa de les laisser séjourner, et Bologne, ils s'arreterent à Ferrare, ou le cardinal Mattei les logea dans une abbaye de chanoines régulier de Latran. Ils y étaient encore en 1796, lors de l'arrivée de MM. Godin et Merceret.
M. Caillau, notices sur MM Joly, De Lesgues, Valentin et Lasnier, droit commun, 1858.
Sources: M. de Puységur et l'église de Bourges pendant la révolution 1789-1802 par Le vicomte Maire Camille de Brimont, publié par Impr. Tatdy Pigelet, 1896
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