MONTCHEVRIER: un charmant petit village en Marche-Berrichonne

MONTCHEVRIER: un charmant petit village en Marche-Berrichonne

Conflit entre Courtaillet et Gaste-Souris

COURTAILLET ET GASTE-SOURIS

devant la cour des maréchaux de France

 

 

Ces deux singuliers noms vous font peut-être sourire, ils désignent pourtant  deux braves gentilshommes berrichons.

 

 Combien de fois n'ai-je pas entendu dire que parmi la noblesse de France on  trouvait de drôles de noms. Mon Dieu! dans toutes les classes de la société il y en a de ces noms-là. Parmi les gentilshommes, cela s'explique très bien, un grand nombre portaient le nom de leur fief et les noms de lieux sont parfois  très singuliers. Ils viennent assez souvent d'une appellation populaire, quelquefois ironique, donnée à un domaine par quelques malins et adoptée avec  empressement par la foule.

 

  Nos deux gentilshommes, il est vrai, pouvaient très bien se dispenser de  prendre le nom de leur seigneurie, ils avaient des noms patronymiques bien  connus le second surtout, mais tout cela est peu intéressant, ne nous y arrêtons pas. Disons seulement que le fief de Courtaillet et celui de Gaste-Souris étaient  situés dans la paroisse de Montchevrîer.

 

 En 1684, le sire de Courtaillet et le sire de Gaste-Souris avaient un différend et l'affaire dut être réglée par la connétablie des maréchaux de France.

 

 Les maréchaux de France, on le sait, ne jouissaient pas seulement de hautes  distinctions et de prérogatives honorifiques, ils avaient une juridiction  " ils  étaient, je cite un auteur, ils étaient juges du point d'honneur et tenaient le siège de la connétablie et maréchaussée de France, pour lequel ils avaient, dans les provinces, des prévosts et des lieutenants, etc. »

 

 Le seigneur de Courtaillet était Honoré Dumont d'une ancienne famille  berrichonne. On désignait habituellement les Dumont par le nom de Dumont du  Breuil-Yvain, ils étaient seigneurs de Courtaillet, des Marches-d'Orsennes et du Breuil-Yvain (1)

 

 Le pape Paul IV avait accordé des indulgences et plusieurs faveurs spirituelles à Ponthus Dumont, sire du Bois-Yvain et à Marguerite Cohague sa femme.

 

 Honoré Dumont, dont il s'agit ici, était fils de Jean Dumont et de Gervaise  d'Areau, fille de Loys d'Areau sieur de Fontais et de Vineuil.  Honoré avait épousé Gabrielle Bouchet, fille de Sylvain Bouchet , seigneur  de Maison-Neuve. Son frère Jean avait épousé une La Roche-Aymon.

 

 Je ne sais si cette famille n'aimait pas un peu les procès mais, d'après les  Archives de l’Indre, je vois ce Jean Dumont époux d’Anne de la Roche-Aymon  en procès avec la veuve de Jean Tiercelin de Rancé au sujet du droit de litre  dans l’église de Pommiers. Tous deux y prétendaient.

 

 Puis Sylvain Dumont a un procès avec le marquis d'Auneuil et un autre procès  avec trois de ses fermiers.

 

 Messire François-Honoré Dumont prieur-curé d'Orsennes a de très nombreux  procès, mais il est vrai c'est comme tuteur de ses neveux, il agit alors en bon tuteur.

 

 Un de ces neveux-là, Honoré-François Dumont du Breuil-Yvain fils de Jean  Dumont et de Marguerite de Launay répond parfaitement aux soins du prieur son  oncle et à ceux de sa mère : il étudie à Paris, s’y comporte bien, il devient page de la duchesse du Maine. Puis il entre au service, M. de Montmorency le  protège. Il fait, comme officier d'artillerie, la campagne de Flandre et y  reçoit une blessure. Il se trouve au siège de Maëstricht et à celui de Berg-op-Zoom. Il avait épousé Marie Dargier, fille du seigneur de Saint-Plantaire.

 

 Tout cela est un hors-d’œuvre, je le sais, mais nous fait connaître un peu  cette famille Dumont du Breuil-Yvain et de Courtaillet. Quant au seigneur de Gaste-Souris, ce devait être M. de Maussabré. Les Maussabré ont possédé Gaste Souris au XVIIe et au XVIIIe siècles. Je n'en dirai rien, cette famille est trop distinguée et trop connue, en Berry surtout, pour que je m'arrête à faire mention d'elle ici.

 

Donc, en 1684, un différend existait entre les sires de Courtaillet et de Gaste-Souris. Le conseil des maréchaux de France, en ayant eu avis, envoya les  parties devant un gentilhomme berrichon, M.Savary de Lancosme, dont la famille avait, depuis des siècles, une haute position en Berry que, du reste, elle a  conservée jusque dans ces derniers temps.

 

  Voici la décision des maréchaux (Archives de l’Indre).

 

 « Sur l'avis qui nous a été donné du diffèrent survenu entre le sieur de Gaste-Souris d'une part et le sieur de Courtaillet d'autre, désirant en prévenir les  suites et épargner aux parties les peines et les frais de se rendre devant nous,  nous les renvoyons devant le sieur de Lancosme, gentilhomme de leur province,  pour être par luy reglez sur tous leurs différends. Défendons au surplus aux  dites parties toutes voyes de faict et de contrevenir aux édits et déclarations  de sa Majesté et à nos règlements. Sous les peines y contenues.

 

 

 Fait à Paris, ce vingt-et-un de may mil six-cent quatre-vingt-quatre.

 

 Ainsi signé:             « Villeroy. et plus bas pour Messeigneurs DE BARCOS. »

 

   Alors le premier archer royal de la maréchaussée de Châtillon-sur-Indre, à la résidence de Saint-Genou, entre en scène. Il monte à cheval et il va à  Montchevrier intimer l'ordre aux parties de comparaître devant M. de Lancosme.

 

 

   Voici la pièce officielle rédigée par lui

 

  « Le premier jour de juillet mil six cent quatre-vingt-quatre, après midy, par vertu des ordres de nos seigneurs les maréchaux de France, dont la copie est ci-dessus écrite, je me suis, Gabriel Velluet premier harcher royal en la maréchaussée de Châtillon-sur-Indre, reçu et immatriculé en icelle, résidant à Saint-Genou paroisse d'Estrée, exprès et de cheval, transporté du dict Saint-Genou, ma demeure, au bourg de Mont-Chevrier distant de vingt grandes  lieues, au domicile de Honoré Dumont, chevalier, seigneur de Courtaillet auquel lieu estant et parlant à sa personne, je luy ai les dits ordres signifié,  notifié, et duement fait assavoir le contenu aux dites ordonnances et ordre,  selon sa forme et teneur, et d'icelle baillé et délaissé copie qu'autant du  présent exploit, afin qu'il n'en ignore et au par vertu que dessus, j’ay intimé  le dit seigneur et an par devant monsieur le Marquis de Lancosme, paroisse de  Vendoeuvres, pour être réglé suivant et au désir des dits ordres.

 

    Fait par moy harcher royal susdit et soubsigné.

 

 

                             « Signé       VELLUET: »

 

 

    Vous le voyez l’archer royal n’oublie point de constater sa qualité et de la bien et duement justifier.

 

 Voyez aussi : C'est tout exprès et de cheval qu'il se transporte de Saint-Genou à Montchevrier, à vingt grandes lieues, dit-il..., c'est tout un voyage! Et de chez M. Dumont il aura été à Gaste-Souris porter les mêmes ordres.

 

   Inutile de se demander si les fatigues de ce long voyage furent dignement  récompensées, toute peine mérite salaire et le salaire doit être en raison de  la distance. Cela bien entendu se rangeait dans le chapitre frais du procès.

 

   Quelle en fut l'issue de ce procès ? quelle fut la sentence du noble juge? Nous ne savons.

 

   M. le comte F. de  Maussabré notre collègue de la Société académique du  Centre, notre collègue à M. le Secrétaire et à moi, du conseil héraldique de  France, a peut-être là-dessus, dans ses archives de famille, des notes qui nous renseigneraient exactement.

 

 M. Honoré Dumont n'aurait-il pas eu le dessous ? Je ne sais pourquoi je le  crains, car ce seigneur paraît n'avoir pas eu de chance dans sa vie.

 

   En effet, quelques années après un malheur lui arriva. Les Archives de l'Indre encore nous l'apprennent.

 

   En 1692 étant à Dijon M. H. Dumont de Courtaillet se cassa la jambe, à la  suite de quoi il dut séjourner là pendant vingt-quatre jours chez un Maistre  cuisinier nommé Pierre Gâtinois. Ceci ressort de la copie(Archives de l'Indre)  d'une obligation signée par lui envers le dit Gâtinois :   Obligation par Honoré Courtaillet, écuyer, demeurant à Aubreuillivin (au Breuil-Yvain) en Berry consentie envers Pierre Gâtinois,  maître cuisinier demeurant à Dijon, d'une somme de soixante-dix livres due «tant pour cause de nourriture et bons traitements à luy faicts pendant vingt-quatre jours qu'il a été traitté au logis du dit Gastinois au sujet d'une jambe  que le dit sieur Courtaillet avait cassée que pour avoir traitté et nourry les  valets et chevaux dudit sieur Courtaillet comme il la confesse, dont il est  comptant» la dite obligation passée par devant Jean Clerget notaire, garde-notes et  tabellion royal héréditaire, résidant à Dijon, paroisse de Notre-Dame.

 

   Hélas ! son procès de 1684 lui aura peut-être coûté plus cher que le séjour à Dijon, où moyennant modiques finances, le Maistre cuisinier l'hébergea et le nourrit pendant 24 jours, lui, ses valets et ses chevaux, sans oublier même les honoraires du chirurgien et du notaire.

 

    (1) Le Bois-Yvain, situé commune d'Orsennes est maintenant un château bâti à la place du château fort d’Yvain Dumont, au XVe siècle. Du dernier Dumont émigré, il est venu, par les femmes à M. de la Celle le propriétaire actuel.

 

 

 

   Extrait du livre de Adrien de BARRAL , 

 < Promenades en BERRY > , 

Les éditions du Bastion  1894  

 



25/06/2011

A découvrir aussi


Ces blogs de Actualités locales pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 38 autres membres